La rééducation périnéale, discipline essentielle au sein de la kinésithérapie, vise à restaurer la fonction du plancher pelvien, souvent mis à mal par des événements comme l’accouchement, les troubles urinaires, les prolapsus ou certaines pathologies neurologiques. Face à l’essor des formations dans ce domaine, il est crucial d’adopter une démarche rigoureuse dès le départ. Voici les principales erreurs à éviter lors de la formation en rééducation périnéale, appuyées par la littérature scientifique.

Sous-estimer la complexité anatomique et fonctionnelle du périnée

L’une des erreurs majeures est de considérer le périnée comme un simple groupe musculaire à renforcer, à l’instar des quadriceps. Or, le plancher pelvien est un système complexe composé de muscles, de fascias, de nerfs et de structures vasculaires, aux fonctions multiples : soutien des organes pelviens, continence urinaire et anale, participation à la fonction sexuelle et rôle dans la posture. 

Des études IRM et échographiques (Stoker et al., 2001 ; Dietz, 2008) ont mis en évidence l’interconnexion entre les structures pelviennes et leur interaction dynamique avec la respiration et la posture. Une formation sérieuse doit donc inclure une anatomie fine, une compréhension de la biomécanique pelvienne, et une vision globale du patient.

Se focaliser uniquement sur la contraction volontaire

Beaucoup de professionnels débutants se concentrent excessivement sur les exercices de type Kegel, en demandant aux patientes de « contracter » leur périnée. Or, selon Bo et al. (2009), la qualité de la contraction volontaire est souvent médiocre chez les patientes symptomatiques, et sa détection difficile sans un feedback adéquat (biofeedback, palpation, électromyographie). 

De plus, les troubles du plancher pelvien peuvent être liés à une hypertonie (syndrome myofascial, dyspareunie), rendant les contractions délétères. Savoir évaluer la tonicité de base et adapter les techniques est indispensable : relaxation, étirements, techniques manuelles peuvent être tout aussi pertinentes que le renforcement.

Ignorer l’évaluation clinique individualisée

Une rééducation efficace repose sur une évaluation initiale rigoureuse. Or, dans certaines formations, la pratique est standardisée sans véritable individualisation. L’International Continence Society (ICS) recommande une évaluation uro-gynécologique complète incluant : questionnaire symptomatique (ICIQ, PFDI), examen physique, testing périnéal (échelle d’Oxford, PERFECT), et parfois imagerie. 

L’absence de diagnostic différentiel peut conduire à des erreurs thérapeutiques : par exemple, traiter une incontinence d’effort alors qu’il s’agit d’une incontinence par urgenturie nécessite des approches opposées (renforcement versus inhibition). La compréhension du type de dysfonction guide la stratégie. 

Ne pas négliger l’approche biopsychosociale 

La rééducation périnéale ne peut être abordée uniquement sous l’angle biomécanique. La douleur pelvienne chronique, la dyspareunie ou certaines formes d’incontinence sont influencées par des facteurs psychologiques (anxiété, vécu traumatique, image corporelle altérée). Selon l’étude de Morin et al. (2017), une approche centrée sur le patient, tenant compte de l’histoire de vie, des émotions et des attentes, est plus efficace à long terme. 

Il est donc fondamental de développer des compétences en communication, d’éviter le jugement, et de s’ouvrir à une approche pluridisciplinaire (collaboration avec sexologues, psychologues, gynécologues, urologues).

Se contenter de formations trop théoriques ou trop techniques

Les formations doivent proposer un équilibre entre théorie, pratique et cas cliniques. Une erreur fréquente est de suivre des stages où l’on applique des techniques sans en comprendre les indications ni les fondements scientifiques. La Haute Autorité de Santé (HAS, 2016) souligne l’importance d’une pratique fondée sur les preuves (evidence-based practice). 

Cela implique une mise à jour continue des connaissances, la lecture critique d’articles, la connaissance des recommandations internationales (ICS, IUGA, NICE). Il est aussi pertinent de s’initier à l’auto-évaluation, à la supervision entre pairs, voire à la recherche clinique.

Ne pas oublier le rôle de l’éducation à la santé

L’éducation du patient est un pilier de la réussite en rééducation périnéale. Expliquer l’anatomie, le rôle du périnée, les objectifs des exercices, les causes des symptômes améliore l’adhésion au traitement. Selon Dumoulin et Hay-Smith (2010), les programmes d’exercices encadrés et bien expliqués sont plus efficaces que ceux réalisés sans suivi. 

Le kinésithérapeute doit donc apprendre à vulgariser, à créer des supports pédagogiques, et à impliquer activement les patientes dans leur rééducation (auto-exercices, hygiène de vie, suivi à domicile). 

 

Conclusion 

Se former en rééducation périnéale demande plus que l’acquisition de techniques. C’est une démarche globale, scientifique et humaine. Éviter les erreurs précitées permet non seulement de garantir une meilleure prise en charge des patients, mais aussi de valoriser la place du kinésithérapeute dans cette spécialité en pleine expansion. Un praticien bien formé est un praticien capable de s’adapter, d’écouter, d’évaluer, et d’agir en s’appuyant sur des données probantes.

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Références bibliographiques complètes

Voici les principales références citées dans l’article : 

  • Bo K., Berghmans B., Mørkved S., Van Kampen M. (2009). Evidence-Based Physical Therapy for the Pelvic Floor: Bridging Science and Clinical Practice. Elsevier Health Sciences. 
  • Dietz H.P. (2008). Pelvic floor ultrasound: a review. Clinical Obstetrics and Gynecology, 51(1), 1–13. 
  • Dumoulin C., Hay-Smith E.J.C. (2010). Pelvic floor muscle training versus no treatment, or inactive control treatments, for urinary incontinence in women. Cochrane Database of Systematic Reviews, (1). 
  • Morin M., Bergeron S., Khalifé S., Mayrand M.-H., Binik Y.M. (2017). Biopsychosocial profile of women with vestibulodynia. The Journal of Sexual Medicine, 14(2), 290–298. 
  • Stoker J., Halligan S., Bartram C.I. (2001). Pelvic floor imaging. Radiology, 218(3), 621–641. 
  • HAS (2016). Prise en charge de l’incontinence urinaire chez la femme : recommandations de bonne pratique. 
  • ICS/IUGA Terminology Reports (2010–2022). www.ics.org